TEXTES CHOISIS
Notre Revue comprend des textes édifiants de nos excellents anciens aumôniers. Nous vous les soumettons dans cette page, de même que certains textes choisis par le cher Père Volle, notre grand aumônier actuel.
De notre aumônier, le Père Guillaume de Menthière
Nuit de feu
Cette nuit n’était pas faite pour dormir. A la vue de Notre-Dame en flammes, l’émotion était trop forte, la tristesse trop intense, la prière trop nécessaire. Et dire que j’étais encore la
veille prêchant sous ces voûtes millénaires où je fus ordonné il y a bientôt trente ans ! Je ne puis vous exprimer la peine qui me gagne à la pensée de cet écrin de tant de nos souvenirs heureux
disparu en fumée…
Vous avouerais-je pourtant qu’à la consternation a très vite fait place en moi une sorte de reconnaissance subjuguée ? Des propos que j’avais toujours désiré entendre ont semblé jaillir comme par
miracle de ce funeste évènement. Au cours de ces heures angoissées, il m’a semblé, en effet, sentir le vieux coq Gaulois se réveiller de sa torpeur.
Que de magnifiques paroles unanimes les médias n’ont-ils pas relayées de manière persistante et ininterrompue ! De la part de touristes, de badauds, de journalistes, d’hommes politiques,
d’ecclésiastiques, d’esthètes, de pompiers,… Des gens de tous âges, de toutes conditions, de toutes origines et de toutes croyances… Une mystérieuse communion semblait régner enfin sur ce peuple de
France dont les mois écoulés avaient si tristement montré au monde le morcellement et les fractures. Cette unité qu’un message présidentiel, prévu le même soir, n’aurait probablement pas réussi
à renouer, Notre-Dame, la Vierge Sainte, l’accomplissait sous nos yeux éberlués. Et si c’était encore une fois l’intervention surnaturelle de la Mère de Dieu qui redonnait à notre cher et vieux pays
l’élan de l’espérance ?
Bien sûr restent l’infinie douleur de voir ces ruines désolées, l’irréparable perte de tant d’œuvres d’art, et l’abattement devant la tache colossale de la reconstruction. Pourtant en cette Semaine
Sainte qui débouche sur la victoire de Pâques, les chrétiens aiment à se redire que de tout mal, Dieu peut faire sortir un bien. De quel relèvement ce désastre est-il la promesse et l’amorce ? Ces
pierres dont le Seigneur nous disaient hier encore qu’elles crieraient, ne les entendons-nous pas, encore fumantes, appeler au sursaut et à la foi ?
Père Guillaume de Menthière
Discours du Pape François aux Eglises d’Amérique Latine et des Caraïbes (Rio de Janeiro, le 28 juillet 2013)
Extrait principal : « Quelques tentations du disciple missionnaire » (1)
« …L’option missionnaire du disciple sera soumise à des tentations. Il est important de savoir comprendre la stratégie de l’esprit mauvais pour nous aider dans le discernement. Il ne s’agit pas de sortir pour chasser les démons, mais seulement de lucidité et de ruse évangélique. Je mentionne seulement quelques attitudes qui configurent une Eglise « tentée ». Il s’agit de connaître certaines propositions actuelles qui peuvent se dissimuler dans la dynamique du disciple missionnaire et arrêter, jusqu’à le faire échouer, le processus de conversion pastorale.
L’idéologisation du message évangélique.
Il y a une tentation qui s’est rencontrée dans l’Eglise dès l’origine : chercher une herméneutique d’interprétation évangélique en dehors de l’Evangile lui-même et en dehors de l’Eglise. Un exemple : Aparecida (2), à un certain moment, a connu cette tentation sous forme d’ « aseptie ». On a utilisé, et c’est bien, la méthode du « voir, juger, agir ». La tentation résidait dans le fait de choisir un « voir » totalement aseptique, un « voir » neutre, lequel est irréalisable. Le voir est toujours influencé par le regard. Il n’y a pas d’herméneutique aseptisée. La demande était alors : avec quel regard voyons-nous la réalité ? Aparecida a répondu : avec le regard du disciple. C’est ainsi que se comprennent les n. 20 à 32. Il y a d’autres manières d’idéologiser le message et, actuellement, apparaissent en Amérique Latine et dans les Caraïbes des propositions de cette nature. J’en mentionne seulement quelques unes :
- La réduction socialisante. C’est l’idéologisation la plus facile à découvrir. A certains moments elle a été très forte. Il s’agit d’une prétention interprétative sur la base d’une herméneutique selon les sciences sociales. Elle recouvre les champs les plus variés : du libéralisme de marché aux catégories marxistes.
- L’idéologisation psychologique. Il s’agit d’une herméneutique élitiste. Qui, en définitive, réduit la « rencontre avec Jésus-Christ », et son développement ultérieur, à une dynamique d’autoconnaissance. On la rencontre habituellement dans les cours de spiritualité, les retraites spirituelles, etc. Il finit par en résulter un comportement immanent autoréférentiel. On ne sent pas de transcendance, ni par conséquent de comportement missionnaire.
- La proposition gnostique. Assez liée à la tentation précédente. On la rencontre habituellement dans des groupes d’élite faisant la proposition d’une spiritualité supérieure, assez désincarnée. Ce fut la première déviation de la communauté primitive, et elle est réapparue, au cours de l’histoire de l’Eglise, sous des versions revues et corrigées. On les appelle « catholiques des Lumières » (parce qu’ils sont héritiers de la culture des Lumières).
- La proposition pélagienne. Elle apparaît fondamentalement sous la forme d’une restauration. Devant les maux de l’Eglise, on cherche une solution seulement disciplinaire, par la restauration de conduites et de formes dépassées qui n’ont pas même culturellement la capacité d’être significatives. En Amérique Latine on la rencontre dans des petits groupes, dans quelques Congrégations religieuses nouvelles qui recherchent une « sécurité » doctrinale ou disciplinaire. Elle est fondamentalement statique, même si elle promeut une dynamique ad intra, qui retourne en arrière. Elle cherche à « récupérer » le passé perdu.
Quelques critères ecclésiologiques
L’Eglise est institution, mais quand elle s’érige en « centre », elle tombe dans le fonctionnalisme et, peu à peu, elle se transforme en une O.N.G.. Elle prétend alors avoir sa propre lumière et cesse d’être ce misterium lunae dont parlent les saints Pères… Elle cesse d’être Epouse et finit par être Administratrice ; de Servante elle se transforme en « Contrôleuse ». Aparecida veut une Eglise Epouse, Mère et Servante, une Eglise qui facilite la foi et non une Eglise qui la contrôle. En Amérique Latine et dans les Caraïbes, il y a des pastorales « éloignées », des pastorales disciplinaires qui privilégient les principes, les conduites, les procédures organisatrices… évidemment sans proximité, sans tendresse, sans caresse. On ignore « la révolution de la tendresse » qui provoqua l’Incarnation. De ce type de pastorales, on peut attendre une dimension de prosélytisme, mais elles ne conduisent jamais à l’insertion ecclésiale... L’homélie est une pierre de touche pour calibrer la proximité et la capacité de rencontre de la pastorale. Comment sont nos homélies ? Sont-elles proches de l’exemple de notre Seigneur qui « parlait avec autorité » ou sont-elles simplement théoriques, éloignées, abstraites ?... La place de l’évêque pour être avec son peuple est triple : ou devant pour indiquer le chemin, ou au milieu pour le maintenir uni et neutraliser les dispersions ou en arrière pour éviter que personne ne reste derrière, mais aussi, et fondamentalement, parce que le troupeau même a son propre flair pour trouver de nouvelles routes…
Je vous remercie d’avoir été patients. Pardonnez le désordre de mon discours et, s’il vous plaît, que nous prenions avec sérieux notre vocation de serviteurs du saint Peuple de Dieu, car c’est en ceci que s’exerce et se montre notre autorité : dans la capacité de service. Merci beaucoup !
(1) Autant parler d’un ajournement des « Règles de discernement et pour sentir avec l’Eglise » d’aujourd’hui, telles que nous les trouvons dans les Exercices spirituels ignatiens, n°s 352 et suivants.
(2) Le Saint-Père fait alusion ici au document dit d’« Aparecida » : ville du Brésil où se tint en 2007 une rencontre célèbre du CELAM (Conférence épiscopale latino-américaine). Le cardinal Bergoglio, alors archevêque de Buenos-Aires, y joua un rôle important, notamment dans la rédaction de son document final de synthèse.
Une homélie merveilleuse, par le Père Francis Volle
Cette homélie « merveilleuse » est celle de notre pape François, à peine élu, dans la célébration de la messe chrismale, le 28 mars 2013 :
« C’est avec joie qu’en tant qu’évêque de Rome, je célèbre cette première messe chrismale. Je vous salue tous avec affection, vous en particulier chers prêtres qui vous souvenez avec moi aujourd’hui du jour de votre ordination.
Les lectures, le psaume aussi, nous parlent de ceux qui ont reçu l’onction : le serviteur de Dieu chez Isaïe, le roi David et Jésus, Notre Seigneur. Les trois ont en commun que l’onction qu’ils reçoivent est pour oindre le peuple des fidèles de Dieu dont ils sont les serviteurs. Leur onction est pour les pauvres, pour les prisonniers, pour les opprimés… Une très belle image de cet « être pour » du Saint Chrême est celle que nous offre le psaume 133 : « On dirait un baume précieux, un parfum sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d’Aaron, qui descend sur les bords de son vêtement » (v.2). L’image de l’huile qui se répand – qui descend de la barbe d’Aaron jusqu’à la bordure de ses vêtements sacrés – est l’image de l’onction sacerdotale qui, à travers celui qui est oint, arrive jusqu’aux confins de l’univers représenté par ses vêtements.
Les vêtements sacrés du grand prêtre sont riches de symboles ; l’un d’eux est celui du nom des fils d’Israël inscrit sur les pierres d’onyx qui ornaient les épaules de l’éphod, dont provient notre actuelle chasuble, six noms sur la pierre de l’épaule droite, et six sur celle de l’épaule gauche (cf.Ex 28,6-14). Sur le pectoral aussi étaient inscrits les noms des douze tribus d’Israël (cf.Ex 28,21).
C’est à dire que le prêtre célèbre en chargeant sur ses épaules le peuple qui lui est confié, et en portant leurs noms gravés en son cœur. Revêtir notre humble chasuble peut bien nous faire sentir, sur les épaules, le poids et le visage de notre peuple fidèle, de nos saints et de nos martyrs, il y en a beaucoup à notre époque !
De la beauté de la chose liturgique, qui n’est pas seulement un ornement et un goût pour les vêtements, mais la présentation de la gloire de notre Dieu resplendissant en son peuple vivant et consolé, considérons-en maintenant l’action ! L’huile précieuse qui oint la tête d’Aaron ne se contente pas de parfumer sa personne, mais se diffuse et atteint toutes les « périphéries ». Le Seigneur le dira clairement : son onction est pour les pauvres, pour les prisonniers, pour les malades, pour ceux qui sont tristes et seuls. L’onction, chers frères, n’est pas destinée à nous parfumer nous-mêmes, ni davantage pour que nous la conservions dans un vase, parce que l’huile deviendrait rance… et le cœur amer.
On reconnaît un bon prêtre à sa façon d’oindre son peuple ; c’est une preuve claire. Quand nos fidèles reçoivent une huile de joie, on s’en rend compte : lorsqu’ils sortent de la messe, par exemple, avec le visage de ceux qui ont reçu une bonne nouvelle. Nos fidèles apprécient l’Evangile annoncé avec l’onction, lorsque l’Evangile que nous prêchons, arrive jusqu’à leur vie quotidienne, lorsqu’il touche comme l’huile d’Aaron aux extrémités de la réalité, lorsqu’il illumine les situations limites, les « périphéries » où le peuple fidèle est exposé à l’invasion de ceux qui veulent saccager sa foi. Les fidèles nous en remercient parce qu’ils ressentent que nous avons prié avec les réalités de leur vie quotidienne, leurs peines et leurs joies, leurs peurs et leurs espérances. Et lorsqu’ils ressentent que le parfum de l’Oint, du Christ, arrive à travers nous, ils sont encouragés à nous confier ce qu’ils veulent faire arriver jusqu’au Seigneur : "Priez pour moi, père, car j’ai tel problème… " ; "Bénissez-moi, père", et « priez pour moi » sont le signe de ce que l’onction est parvenue jusqu’à l’extrêmité du manteau car elle est transformée en demande, demande du Peuple de Dieu. Lorsque nous sommes dans ce rapport avec Dieu et avec son peuple et que la grâce passe avec nous, alors nous sommes prêtres, médiateurs entre Dieu et les hommes.
Ce que j’entends souligner c’est que nous avons toujours à raviver la grâce et discerner en chaque demande, parfois seulement matérielle ou même banale – mais elle l’est seulement apparemment –, le désir de nos fidèles de recevoir l’onction de l’huile parfumée car ils savent que nous la détenons. Deviner et ressentir à la manière du Seigneur, l’angoisse pleine d’espérance de la femme hémorroïsse lorsqu’elle toucha le bord de son manteau. Cet épisode de la vie de Jésus, présent au milieu des gens qui le pressent de partout, traduit toute la beauté d’Aaron vêtu comme prêtre avec l’huile qu descend le long de ses vêtements. C’est une beauté cachée qui resplendit seulement pour des yeux remplis de foi de cette femme qui souffrait de pertes de sang. Les disciples eux-mêmes - futurs prêtres - ne réussissent pas à voir, ni ne comprennent : de la « périphérie existentielle », ils voient seulement la superficialité de la multitude qui presse de partout Jésus jusqu’à le suffoquer (cf. Lc 8,42). Le Seigneur, en revanche, sent la force de l’onction divine qui arrive jusqu’aux bords de son manteau.
C’est ainsi que nous devons faire l’expérience de notre onction, son pouvoir et son efficacité rédemptrice : « aux périphéries où se trouve la souffrance, où le sang est versé, il y a un aveuglement qui désire voir, il y a des prisonniers de tant de mauvais patrons. Ce ne sont pas précisément dans les auto-expériences ou les introspections répétées qu nous rencontrons le Seigneur : les cours pour s’aider soi-même dans la vie peuvent être utiles, mais vivre notre vie sacerdotale en passant d’un bord à l’autre, de méthode en méthode, pousse à devenir pélagiens, à minimiser le pouvoir de la grâce qui s’actualise et croît dans la mesure selon laquelle, avec foi, nous sortons pour nous donner nous-mêmes et pour donner l’Evangile aux autres ; pour donner la petite onction que nous tenons à ceux qui n’ont rien de rien.
Le prêtre qui sort peu de lui-même, qui oint avec parcimonie – je ne dis pas « jamais » car, grâce à Dieu, les fidèles nous « volent » l’onction – perd le meilleur de son peuple, ce qui est capable d’allumer le plus profond de son cœur de prêtre. Celui qui ne sort pas de lui-même, au lieu d’être un médiateur, se converti peu à peu en intermédiaire, en gestionnaire. Nous connaissons tous la différence : l’intermédiaire et le gestionnaire « ont déjà reçu leur récompense », et comme ils ne paient pas d’eux-mêmes, ni de leur cœur, ils ne reçoivent pas non plus un merci affectueux qui vient du cœur. De là provient précisément cette insatisfaction chez certains qui finissent par être tristes, des prêtres tristes, et convertis en collectionneurs d’antiquités ou de nouveautés au lieu d’être des pasteurs pénétrés de « l’odeur de leurs brebis » : soyez des pasteurs avec « l’odeur de vos brebis », que celles-ci se sentent ; au lieu d’être des pasteurs au milieu de votre propre troupeau, et pécheurs d’hommes. En vérité, la dite crise d’identité sacerdotale nous menace tous et se greffe sur une crise de civilisation ; mais si nous savons dompter cette vague, nous pourrons prendre le large au nom du Seigneur et jeter les filets.
Il est bon que la réalité même nous pousse à aller où ce que nous sommes par grâce apparaît clairement comme étant pure grâce, sur cette mer du monde actuel où seule compte l’onction – et non la fonction -, et seront remplis les filets jetés seulement au nom de Celui en qui nous nous sommes confiés : Jésus.
Chers fidèles, soyez proches de vos prêtres par l’affection et par la prière afin qu’ils soient toujours des pasteurs selon le cœur de Dieu.
Que Dieu renouvelle en nous, chers prêtres, l’esprit de sainteté par lequel nous avons reçu l’onction, qu’il le renouvelle en notre cœur de telle manière que l’onction rejoigne tous, même les « périphéries », là où notre peuple fidèle en a le plus besoin et l’apprécie. Que nos fidèles nous sentent disciples du Seigneur, qu’ils comprennent que nous sommes revêtus de leurs noms, et que nous ne cherchons aucune autre identité ; qu’ils puissent recevoir, par nos paroles et nos œuvres, cette huile de joie que Jésus, l’Oint du Seigneur, est venu nous donner. Amen !
Bulletin des Publicistes chrétiens
n° 237, 1936
La messe de Décembre 1935, 1er dimanche de l'Avent
Le R.P. Janvier (aumônier général), en ce premier dimanche de l'Avent, nous parle du Précurseur, et nous montre en saint Jean-Baptiste, un modèle du publiciste chrétien. Si Jean-Baptiste n'écrivit rien, ne publia-t-il pas la prochaine venue du Sauveur et la condition qu'il fallait réaliser pour l'accueillir avec respect et avec fruit ?
Or, il nous donne un premier exemple par la préparation qu'il s'imposa, avant de prendre la parole. Il voulut passer de longues années dans le désert, vivant dans l'austérité poussée jusqu'aux extrêmes sacrifices et méditant sur les vérités qu'il aurait à faire connaître aux hommes. Sans l'imiter à la lettre, nous devons, pourtant, nous inspirer de son exemple, en étudiant, en nous recueillant devant Dieu et en pratiquant, selon notre état, la mortification.
Et lorsqu'il commença l'accomplissement de sa mission, Jean pratiqua d'abord l'humilité, s'effaçant devant le Maître dont il n'était que la Voix ; il ne prétendit pas se substituer à Lui et donner aux hommes, à la place du Message dont il était chargé, ses propres idées, son système à lui, Jean-Baptiste. Combien de publicistes, même chez nous, tombent dans le travers, dans la faute que le Précurseur évita ; mettant en évidence, au premier plan, leurs vues, leur interprétation contestable, au lieu de se borner à publier fidèlement les enseignements de l'Eglise.
En second lieu, il fut la Voix de la Vérité. Avec un courage intrépide, à tous ceux qui l'entendaient, sans considération de personnes, il proclama le vrai, sans le diminuer, sans le fausser, comme sans l'exagérer. Grande leçon, que nous devons suivre, non pas qu'il faille parler à tort et à travers, de tout ce qui est vrai ; il ne faut pas, dans l'expression de la vérité, méconnaître la vertu de prudence. Mais, d'une part, il importe de ne jamais altérer, en quoi que ce soit, le vrai et, d'autre part, quand le devoir l'impose, il ne faut jamais reculer devant sa publication.
Ainsi, imiterons-nous le troisième exemple donné par saint Jean-Baptiste : le courage, l'héroïsme, poussé jusqu'au sacrifice de la vie, dans l'accomplissement de sa mission, dans l'accomplissement du devoir que Dieu lui avait assigné. Nous non plus, nous devons pas hésiter à sacrifier tous les intérêts matériels (encore qu'ils soient légitimes et que ce soit même un devoir d'état que de les défendre ou sauvegarder), nous les devons sacrifier cependant quand la cause de Dieu l'exige.
Ainsi, comme le Précurseur, nous serons vraiment les messagers, les apôtres du Maître, ceux qui prépareront ses voies, qui feront connaître la doctrine ou bien disposeront les âmes à l'accueillir.
Bulletin des Publicistes chrétiens
n° 255, février 1938
Notre messe corporative de Décembre avait attiré une assez nombreuse assistance. (...) En l'absence du R. P. Janvier, le R. P. Pitrot, lui aussi de l'Ordre des Frères Prêcheurs, - dans un discours dont l'auditoire apprécia vivement et la forme et le fond -, nous invita à méditer, en publicistes chrétiens, sur l'évangile du deuxième dimanche de l'Avent.
Un publiciste chrétien, c'est avant tout un homme tout entier donné à Dieu, et dont la vocation est de crier sa foi au monde ; c'est, dans une certaine mesure, un prédicateur. Or, l'Evangile de ce dimanche lui propose un modèle sigulièrement attachant : saint Jean-Baptiste, apôtre à l'âme de feu, qui comprenait le besoin que l'humanité avait du Christ ; qui, lui-même, le désirait ardemment. Invitons-le, avivons en nous ce même désir ; souhaitons voir régner sur nous et sur le monde, Jésus, et faisons ce qu'il faut pour que ce règne arrive.
Imitons saint Jean-Baptiste à d'autres égards ; soyons, comme lui, des sanctifiés. Il n'y aura pas, à l'origine de notre sanctification, comme de la sienne, de miracle. Mais nous avons la possibilité de nous sanctifier en nous tenant en contact perpétuel avec les miracles de sanctification que sont les Sacrements, en particulier l'Eucharistie.
En outre, saint Jean-Baptiste aimait la solitude, le recueillement, la prière ; il se rendait parfaitement compte que c'étaient là des conditions indispensables à son apostolat. Tous les saints qui ont exercé un grand rayonnement autour d'eux, ont été - à son exemple - des recueillis, des solitaires, des priants. Puisqu'au demeurant, notre grande tâche est d'exercer autour de nous une influence, imitons-les.
Imitons enfin saint Jean-Baptiste jusque dans son courage devant la mort. On sait qu'après avoir été persécuté, il eut la tête tranchée. Au service de notre foi, ne craignons jamais les persécutions, ni les prisons, ni - s'il le faut - de verser notre sang.
La liturgie appelle Saint Jean-Baptiste "une voix qui crie dans le désert". N'est-ce pas un désert immense que cette multitude innombrable qui ne veut pas du règne de Dieu ? Crions-lui la nécessité de ce règne sans nous laisser intimider, sans nous lasser. N'attendons même pas de trouver ici-bas la récompense de nos efforts. Travaillons à l'avènement du Christ dans les âmes et dans les Sociétés, avec la certitude que Dieu nous donnera, au moins au ciel, notre récompense.