HISTOIRE DE L'ASSOCIATION
L’Association des Écrivains catholiques existe depuis le 25 mars, jour de l’Annonciation, de l’année 1886 ! Un bel anniversaire qui est l’occasion de porter le regard sur une histoire riche d’enseignements possibles dans le monde d’aujourd’hui. |
DANS LE COURANT DU CATHOLICISME SOCIAL
Le 14 juin 1791 la loi Le Chapelier interdisait toute association, corporation ou coalition de gens du même métier. Les travailleurs se trouvaient ainsi démunis pour se défendre face à la bourgeoisie marchande et industrielle arrivée au pouvoir avec la Révolution, désireuse d’asseoir sa domination. Le développement sans frein de l’industrialisation allait s’accompagner alors d’une immense misère, et les travailleurs se trouver totalement démunis pour se défendre.
Face à l’urgence de la question sociale, deux courants se manifestèrent, tant dans la pensée que dans l’action : l’un, marqué par Saint-Simon (1760-1825) et Proudhon (1809-1865), d’influence socialiste, inspiré par des doctrines matérialistes, l’autre, marqué par Lamennais (1782-1854) et Lacordaire (1802-1861), de tradition sociale chrétienne.
Parmi les grandes figures sociales chrétiennes qui furent à la pointe du combat pour plus de justice, on peut citer Armand de Melun (1807-1877), qui connut par sœur Rosalie les misérables conditions de vie des ouvriers et fit voter en 1850-51 le premier grand train de lois sociales, et Albert de Mun (1841-1914). Ce dernier tenta de remettre à l’honneur le système des corporations interdit par la Révolution, la loi Ollivier ayant aboli en 1864 le délit de coalition, en créant en 1871 les Cercles ouvriers qui, en 1885, lançaient un hebdomadaire intitulé La Corporation, dirigé par Victor de Quatresolz, vicomte de Marolles.
VICTOR DE MAROLLES, LE FONDATEUR-PRÉSIDENT (1886-1912)
M. de Marolles était originaire de Marolles-en-Brie, dont le château appartenait depuis le XVIè siècle à la famille de Quatresolz, très active au Parlement de Paris. Le vicomte Victor de Marolles (1836-1912), docteur en droit, procureur impérial puis procureur de la République après 1870, fut maire de Marolles-en-Brie de 1888 à 1892.
Magistrat devenu journaliste, il fonda le 25 mars 1886, en la fête de l'Annonciation, la première des corporations prévues par le programme des Cercles, la Corporation des publicistes chrétiens, ancêtre de l’Association des écrivains catholiques.
La Corporation groupait journalistes et écrivains dans un même esprit de foi et de dévouement à l’Eglise. A cette époque, la propagande antireligieuse était virulente et le climat celui d’une sorte de guerre civile des idées. Un Bulletin mensuel fut créé deux ans plus tard, le 25 mars 1888.
M. de Marolles, qui présida le premier cette Corporation vouée à l’apostolat par l’écriture, voulut lui donner l’esprit d’une communion d’idéal, de défense des intérêts professionnels, de dévouement et de cordialité. Il institua les Messes corporatives, mensuelles, généralement dites par l’Aumônier de la Corporation, les dîners mensuels auxquels étaient invités des personnages de marque, visiteurs étrangers et autres.
En 1895, deux sections furent créées au sein de la Corporation : la section de la presse et la section du livre. Les statuts, déposés à la Préfecture, constatent la fondation du Syndicat des journalistes et écrivains.
En 1904, intervint la mise en place distincte d’un Syndicat des écrivains français et d’un Syndicat des journalistes français, les deux syndicats gardant pleinement un esprit d’union. Victor de Marolles fut élu président du Syndicat des écrivains, qui compte alors 62 membres ; il y en a 136 au Syndicat des journalistes.
En 1906, un concours fut organisé, une médaille d’or de 100 fr attribuée pour les meilleurs ouvrages. L’idée sera reprise quarante ans plus tard.
Le président de Marolles mourut subitement le 10 mars 1912 en ouvrant l’assemblée générale de la Corporation.
À PARTIR DE 1913
M. Victor Taunay succéda (1913-1915) au fondateur mais il dut démissionner pour raison de santé. En 1915, René Bazin, professeur de droit à Angers, fut élu président (1915-1923) de la Corporation et du Syndicat des écrivains. Peu après, pour alléger la charge, on élit un président pour le Syndicat des écrivains : Paul Bourget.
La corporation avait son aumônier. A la suite du chanoine Gaudeau et du Père de Pascal, le Père Janvier (1860-1939), dominicain, célèbre pour ses prédications de Carême à
Notre-Dame de Paris et ses activités dans l'apostolat auprès des artistes, en particulier ami des nabis (il influença notamment Maurice Denis, qui se mit à peindre des œuvres d’inspiration
religieuse), en devint l’aumônier en 1913. Chaque année, au mois de juin, le Père Janvier accompagnait le pèlerinage des Publicistes chrétiens à Montmartre.
En 1923, Georges Goyau, de l'Académie française, fut élu président de la Corporation. Celle-ci comptait, en 1926, 151 inscrits.
En 1927, la Corporation prit un tournant important pour son renouvellement : l’admission des dames. La première femme, pour les écrivains, fut Léontine Zanta, philosophe féministe catholique, amie de Henri Bergson, Paul Bourget, Pierre Teilhard de Chardin et, dans le syndicat des journalistes, Mme Astorg-Baudoin.
En 1932, année de la mort de René Bazin, on comptait 166 membres du Syndicat des écrivains et 337 membres du Syndicat des journalistes.
En 1933 François Mauriac fit son entrée dans la Corporation.
Après Paul Bourget, disparu en 1935, Alfred Poizat devint président du Syndicat des écrivains, qui comptait alors 160 membres.
En 1936, M. Jacques Hérissay lui succéda. Sa présidence fut très active. En 1938 eut lieu la première vente des écrivains catholiques, qui se déroula dans les salons du Figaro ; mais la guerre empêcha la seconde. En 1939, l’Assemblée générale se tint à Chartres avec un grand succès. Le Syndicat comptait alors 204 membres.
Après la Libération, la vente-dédicace reprit dans les salons de l’Hôtel Continental. (Voir les vidéos de l'INA dans la rubrique Salon / "C'était hier")
Après 27 années de présidence effective, Jacques Hérissay fut nommé président d’honneur en 1964. Il mourut en 1969. Son successeur fut Abel Moreau.
Le Syndicat des écrivains catholiques créa en 1946 le prix littéraire du Renouveau français qui devint en 1955, après entente avec Daniel-Rops et avec le concours
de la revue Ecclesia, le Grand prix catholique de littérature. Cette même année Daniel-Rops fut élu membre de l'Académie Française.
Maurice Schumann, converti au catholicisme en 1942 (il avait 31 ans), élu à l’Académie française en 1974, devint président de l’Association en 1979 et le resta jusqu’à sa mort en 1998. L’Association comprenait alors 350 membres.
DE L'ESPRIT CHRÉTIEN QUI ANIME LA CORPORATION
Les anciens bulletins témoignent de l’esprit chrétien, insufflé par le fondateur Victor de Marolles, qui a toujours animé la Corporation.
Au travers, d’abord, de l’image et sa devise "Par la croix et par la plume" portées sur la couverture du Bulletin : la croix du Christ et la plume de l’écrivain, sous-tendues par un phylactère portant ces mots : Cruce et calamo (par la croix et le calame). Avec concision était ainsi définie la démarche de l’écrivain catholique, armé de sa plume pour la défense de la vérité. Si, aujourd’hui, le clavier a remplacé le calame, l’engagement de l’écrivain membre de l'Association demeure intact.
Au travers aussi de nombreux articles qui mettaient l’accent avec vigueur sur la défense et l’affirmation de la vérité, par la raison éclairée par la foi. Les « vrais publicistes chrétiens » sont ceux qui marchent « toujours à la lumière de la raison éclairée par l’Evangile lui-même ». De même peut-on lire dans la revue de janvier 1932 : « Que les Publicistes chrétiens de France s’efforcent d’être des hommes de caractère et des hommes de conviction, hélas ! ce qui manque le plus à notre époque. Nos convictions sont de surface et nous avons toujours peur de proclamer la vérité. Regardons saint Jean-Baptiste… Imitons saint Jean… Soyons les chevaliers de la vérité… Disons très exactement le vrai… Réagissons contre l’effroyable ignorance de notre temps. Soyons indépendants et impartiaux. Ayons du caractère et des convictions. Il y va du salut du monde et du nôtre ».
Le message de Benoît XVI aux médias le 24 janvier 2011 présente bien des similitudes…
ET AUJOURD'HUI
Quel exemple, pour l’Association des écrivains catholiques, que ce combat mené par nos prédécesseurs « avec un courage intrépide, un large amour des âmes, un absolu désintéressement, pour la gloire de Dieu et l’expansion de l’Eglise » ! Mais le passé doit être un tremplin pour l’avenir. Les encouragements de saint Jean-Paul II (lettre aux artistes du 4 avril 1999) ont confirmé la vocation de l’écrivain catholique : « Celui qui perçoit en lui-même cette sorte d’étincelle divine qu’est la vocation artistique - de poète, d’écrivain, de peintre, de sculpteur, d’architecte, de musicien, d’acteur… - perçoit en même temps le devoir de ne pas gaspiller ce talent, mais de le développer pour le mettre au service du prochain et de toute l’humanité ». L’avenir nous est ouvert !